8 juillet 2022

Un an et demi après la sortie effective du Royaume-Uni du marché commun, les conséquences néfastes pour l’économie britannique sont désormais très claires.

Rue du Faubourg-Saint-Honoré pavoisée avec l’Union Jack, portraits géants de la reine Elizabeth II souriant aux passants, le gouvernement de sa Gracieuse Majesté a su manier le soft power pour défendre ses intérêts commerciaux : dans la foulée du jubilé de la reine, l’ambassade du Royaume-Uni en France conviait les 23 et 24 juin des distributeurs et des acheteurs français pour leur présenter « l’excellence du savoir-faire des entreprises britanniques les plus en pointe ».

La très chic résidence de l’ambassadrice, un hôtel particulier occupé autrefois par Pauline Bonaparte, avait pour l’occasion été transformée en vaste showroom pour les produits du fabricant de vélos Brompton, les constructeurs Aston Martin, Jaguar et Land Rover (fussent-ils passés sous pavillon étranger…), un panel choisi de marques de mode, de cosmétiques, de design et même de snacking, sans oublier quelques start-up du monde de la tech à l’activité parfois mystérieuse.

Coïncidence ? L’ambassade avait choisi d’organiser ce salon, intitulé So British, le jour de la date anniversaire du référendum sur le Brexit : le 23 juin 2016, 52 % des Britanniques se prononçaient en faveur du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Un événement qui n’a pas altéré la relation franco-britannique, soutient l’ambassadrice Menna Rawlings, qui rappelle que « la France est le cinquième partenaire commercial du Royaume-Uni ». Observant un rebond des échanges entre les pays au premier trimestre, elle se veut optimiste : « Les choses vont dans le bon sens, en dépit de ce qu’on peut lire dans les journaux. »

Dans le bon sens, vraiment ? Un an et demi après la sortie du Royaume-Uni du marché commun, effective au 1er janvier 2021, rien n’est moins sûr, comme en témoignent les trois procédures lancées ou relancées mi-juin par la Commission européenne à l’encontre de Londres. Motif : le projet de loi voté en première lecture au Parlement britannique remettant en cause le statut douanier particulier de l’Irlande du Nord, négocié de haute lutte dans le cadre du Brexit. Cette procédure expose le Royaume-Uni à des sanctions ou des astreintes financières.

Relations commerciales en recul

Surtout, les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) ont fortement ralenti depuis 2019. Entre fin 2019 et fin 2021, les exportations britanniques ont reculé de 16 % vers l’Allemagne, de 21 % vers la France et l’Italie, ou encore de 33 % vers l’Espagne, selon les chiffres de l’Office for National Statistics (ONS), l’organisme statistique officiel britannique. Le recul apparaît plus marqué encore pour les importations du Royaume-Uni en provenance de ses principaux partenaires de l’Union européenne : – 16 % pour l’Allemagne, – 24 % pour la France, – 26 % pour les Pays-Bas ou encore – 29 % pour l’Espagne.

Bien sûr, la crise sanitaire, qui a mis à mal le commerce international, est passée par là. Mais elle n’explique pas tout, comme l’observe l’Insee dans sa dernière note de conjoncture : alors que les échanges commerciaux de l’Union européenne ont diminué avec le Royaume-Uni depuis 2018, ils ont augmenté avec ses autres principaux partenaires, la Chine et les Etats-Unis. L’institut suggère que le Royaume-Uni a opéré « une substitution partielle » entre ses importations depuis l’Union européenne et celles depuis le reste du monde.

Quel est alors le coût réel du Brexit pour l’économie du Royaume-Uni ? L’économiste britannique John Springford, du Centre for European Reform, s’est essayé à l’évaluer. En comparant la trajectoire britannique à celle d’un panier de pays aux performances économiques similaires, il a calculé que fin 2021, le volume des échanges internationaux de biens de son pays était 14 % inférieur à ce qu’il aurait dû être si le Brexit n’avait pas eu lieu.

Le Brexit aurait aussi amputé de 5 % le PIB et diminué l’investissement de 14 %. Or, un PIB qui rétrécit implique de lever plus d’impôts pour financer les services publics et l’Etat-providence, rappelle John Springford. De ce point de vue, selon lui, les hausses importantes d’impôts décrétées par le gouvernement conservateur l’année dernière n’étaient pas légitimées par la nécessité de financer le système de soins éprouvé par la pandémie, comme l’a justifié Rishi Sunak, le chancelier de l’Echiquier. Elles n’auraient pas été nécessaires, affirme John Springford, si le Royaume-Uni était resté au sein de l’Union.

Certes, le Brexit ne suffit pas à expliquer l’envolée de l’inflation outre-Manche (9 % en avril sur douze mois), mais il a sa part.

Source : Alternatives Économiques