4 juillet 2022

La courbe de l’investissement des entreprises s’est cassée depuis le référendum de 2016. D’autres facteurs, liés au Covid et à la guerre en Ukraine, sont venus peser sur les décisions d’investir.

Si certains effets économiques du Brexit prêtent encore à discussion, il y a un indicateur qui a incontestablement encaissé le choc de la sortie de l’Union européenne. Il s’agit de l’investissement des entreprises. Les chiffres publiés jeudi par l’Office national statistique (ONS) britannique ont confirmé une nouvelle baisse de 0,6 % sur le premier trimestre 2021. Le Royaume-Uni est encore loin de retrouver le niveau d’avant la pandémie, sachant que l’investissement des entreprises se situe 9,2 % en dessous de ce qu’il était au quatrième trimestre 2019.

« C’est clairement une sous-performance de l’économie britannique par rapport au reste du G7, et les perspectives de croissance ne sont pas favorables. Beaucoup de monde a le mot ‘récession’ sur les lèvres », indique Brian Hilliard, économiste à la Société Générale, pour qui « il est raisonnable de penser que cette faiblesse est attribuable au Brexit » .

58 milliards de manque à gagner

La courbe de l’investissement des entreprises ces dix dernières années est éloquente. Elle grimpe jusqu’au référendum de juin 2016, puis stagne sur plusieurs années, avant de connaître un trou d’air avec la pandémie. Simon French, directeur général de Panmure Gordon, estime à 58 milliards de livres le manque à gagner pour les investissements britanniques. « Nous avons extrapolé ce chiffre en prenant en compte la tendance avant le Brexit et l’évolution de l’investissement des entreprises aux Etats-Unis et dans l’UE », explique-t-il.

L’incertitude est le premier facteur qui a joué contre les décisions d’investissement. « Il y a eu beaucoup de hauts et de bas pour l’industrie, explique Seamus Nevis, économiste au sein de la fédération Make UK, qui représente l’industrie. Les entreprises ont surstocké à cause de la menace d’un ‘No deal’, puis la pandémie est arrivée. Leurs ressources pour investir se sont épuisées. »

L’accord commercial signé fin décembre avec l’UE aurait dûclarifier l’horizon pour les industriels, mais le Covid est ensuite venu s’ajouter aux difficultés. Dans une note, les analystes d’Oxford Economics observent que ce sont les secteurs les plus affectés par la pandémie qui tirent vers le bas les investissements.

C’est le cas de l’hôtellerie-restauration, qui est en retard de 35 % par rapport au niveau d’avant Covid, et du transport, en recul de 47 %. Ce chiffre reflète à la fois la situation de l’aéronautique, victime de la chute de la demande, et de l’automobile, plombée par les pénuries de semi-conducteurs.

Lors d’une audition à la Chambre des communes, Andrew Bailey, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a cité les perturbations logistiques comme l’une des raisons pour lesquelles les entreprises reporteraient leurs investissements. Sans compter que la guerre en Ukraine a créé une nouvelle source d’incertitude.

« Il y a un lien clairement établi entre l’incertitude et l’investissement », a-t-il déclaré. Selon lui, les pénuries de main-d’oeuvre pourraient aussi jouer un rôle dans cette faiblesse de l’investissement : « La part des sociétés disant qu’elles n’investissent pas par manque de main-d’oeuvre est exceptionnellement élevée. »

Pour le gouvernement britannique, cette atonie est d’autant plus décevante qu’il a créé en avril 2021 un amortissement exceptionnel sur une durée de deux ans pour relancer les investissements. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous, si bien que le Trésor a récemment lancé une consultation pour remplacer cet outil. La CBI, principale fédération patronale, appelle à pérenniser cet avantage fiscal. « La fenêtre pour éviter la récession est étroite . L’inaction cet été nous mettrait sur la voie d’une stagnation en 2023 », a-t-elle prévenu.

Source : Les Echos